mercredi 3 octobre 2012

Pollutions marines : "gravité" et "témérité" les clefs de l'autoprotection de l'Etat côtier ?

Sur la base de la décision de la Cour de cassation dans l'affaire "Erika" (25 septembre 2012), nous proposons une analyse de l'arrêt par référence aux notions de "gravité" et de "témérité", et une mise en perspective de son contenu avec les autres dispositions du droit de la mer et des conventions internationales pertinentes en matière de protection de l'environnement marin (responsabilités, indemnisations, interventions, poursuites..).
Cette article est en cours de rédaction.
Merci.

Y.R.

mercredi 26 septembre 2012

Erika : la Cour de Cassation a dit le droit

Avant de revenir plus longuement et de commenter l'arrêt lui-même, félicitons nous de la décision rendue hier après-midi par la chambre criminelle de la Cour de cassation. 
Nous avons pu assister à l'audience et partager ainsi le terme de 12 années de procédure au cours desquelles nous avons contribué, aux côtés des collectivités victimes et de leurs conseils, aux raisonnements juridiques aujourd'hui consacrés par la Cour.

Voir l'arrêt de la Cour :
http://www.courdecassation.fr/IMG///Crim_arret3439_20120925.pdf


Au plan pénal, la notion de "dommage grave" caractérisant les conséquences de la pollution pour l'Etat côtier a ainsi été soulignée pour fonder la légalité des poursuites et confirmer les condamnations.

Au plan civil, la "témérité" du comportement (fautif) des acteurs de l'opération de transport maritime, et notamment de l'affréteur qui perd ainsi le bénéfice de la protection accordée par la Convention CLC, est également retenue par la chambre criminelle pour dire le droit, confirmer les responsabilités et les préjudices retenus, notamment le préjudice écologique.

La Cour de cassation a su dépasser les conclusions de l'Avocat général pour intégrer dans son raisonnement l'ensemble des éléments de droit et des dispositions pertinentes des conventions internationales ; au-delà d'une seule lecture verticale, c'est une lecture transversale conforme au droit de l'environnement qui a ainsi été faite.

Voir également l'article de Terra Eco sur ce point :  http://www.terraeco.net/Erika-ou-la-victoire-du-prejudice,46163.html


Y.R

lundi 24 septembre 2012

Erika et Cour de cassation - Délibéré du 25 septembre 2012

Demain, mardi 25 septembre, la Cour de cassation rendra sa décision dans l'affaire du naufrage et de la pollution du pétrolier "Erika" (audience prévue à 14 h).

Le délibéré est évidement très attendu par les victimes de cette marée noire au terme de plus de 10 ans de procédure marquée, notamment, par des questions de droits complexes, diverses, que soulignent des enjeux importants du point de vue du droit de l'environnement et du droit des pollutions marines.

Rappelons en rapidement les points clefs : 
- Le volet pénal est suspendu à la confirmation ou l'infirmation de la légalité des poursuites initiées par l'Etat à l'encontre des prévenus, sur la base de la loi de juillet 1983 réprimant la pollution des mers par les navires, et pour des faits survenus en ZEE. Le dispositif pénal applicable à l'époque (décembre 1999) ne serait pas conforme avec les dispositions plus larges du Droit de la mer (Convention de Montego Bay de 1982), et spécifiques de la Convention Marpol 73/78 ;

- Le volet civil est marqué pour l'essentiel par la confirmation ou non, de la reconnaissance du préjudice écologique dans cette affaire, et en particulier au bénéfice des collectivités publiques littorales touchées directement par la pollution. De même des questions d'applicabilité de la Convention CLC de 1969/92 sur la responsabilité civile du propriétaire de navire citerne ont été soulevées.

Nous avons déjà développé ces différents points et les possibilités offertes à la Cour (cassation totale, partielle, confirmation de la décision de la Cour d'appel de Paris...), et nous publierons un commentaire de la décision dès demain (sur place à Paris).

Y.R. 

mardi 10 avril 2012

Erika et Cour de Cassation : Voie sans issue ?



Vendredi dernier les médias, et le journal "Libération" en particulier, rendaient public les conclusions de l'Avocat Général près la Cour de Cassation dans le cadre du pourvoi formé suite à la décision de la Cour d'Appel de Paris dans le dossier "Erika". La teneur de ces conclusions présentées comme inattendues soulignent, une fois de plus, la complexité de ce dossier de pollution marine aux multiples dimensions.

Pourtant, en l'espèce l'argumentaire de l'Avocat Général est d'une redoutable simplicité et bien représentatif de la lecture stricte qui doit être faite du droit pénal : les juridictions répressives françaises ne pouvaient pas, selon lui, être saisies du volet pénal du fait de pollution marine car le naufrage a eu lieu en Zone Économique Exclusive (ZEE), donc hors du territoire national (pourtant zone dite "sous juridiction de l'Etat côtier").
En d'autres termes le lieu de l'infraction (délit de pollution marine) se situant hors du territoire et le prévenu, comme le navire, n'étant pas de nationalité française, c'était à l'État du pavillon (Malte) de poursuivre.
Les poursuites engagées par la France seraient donc dépourvues de base légale ; la conséquence en est une cassation directe et sans renvoi (incompétence, cause d'ordre public), l'annulation des condamnations pénales prononcées envers MM. SAVARESE et POLLARA, La société RINA et la société TOTAL.

Ce n'est pas tout, le même avis souligne également le fait que le volet civil devrait à lui seul subir la cassation, en ce que la Convention CLC sur la responsabilité civile est inapplicable, car ne pouvant être retenue par une juridiction pénale. Au surplus, le préjudice écologique (pur) invoqué par de nombreuses parties civiles, ne peut être non plus retenu puisqu'il ne correspond pas à la définition du dommage par pollution de cette même convention...

Certains des arguments invoqués sont réellement problématiques (volet pénal), d'autres sont plus surprenants et révèlent, peut-être, une méconnaissance du régime de responsabilité civile applicable en cas de pollution accidentelle par les hydrocarbures (volet civil et dommage par pollution).
D'une manière générale, cet avis est d'une logique implacable dans la mesure où les principes de droit pénal et de procédure pénale invoqués sont effectivement fondés. Il est également effrayant pour les victimes dans la mesure où, s'agissant de dispositions d'ordre public,(compétence des poursuites) la cassation totale en est l'issue logique.

Cependant, si les principes et leur issue sont fondés dans le raisonnement suivi, d'autres arguments et une autre lecture juridique des textes applicables, mais surtout de l'esprit et de l'objet des dispositions internationales existantes, doivent permettre de conclure différemment. Rappelons enfin que la Cour n'est pas tenue par les conclusions, ni par l'avis du rapporteur qui, semble t-il, recommande également la cassation ...

L'histoire des pollutions marines et la pratique juridictionnelle nationale, pénale ou civile, est régulièrement marquée par des points de droit essentiellement fondés sur des dispositions internationales conventionnelles ; c'est la nature même du droit de la mer et du droit des pollutions marines que de refléter la volonté des états selon les principes et traditions du droit international. C'est la difficulté première de notre droit pénal appliqué aux pollutions marines que d'être contraint par ce même cadre.
Les exemples sont nombreux dans l'affaire Erika, mais aussi dans bien d'autres, de dispositions de conventions internationales invoquées (le plus souvent au profit de la défense du prévenu) ou de questions de conformité des dispositions internes avec ces mêmes textes.

Nous considérons cependant qu'il est possible de dépasser les conclusions de cet avis, à la fois à la lumière du droit international (droit de la mer - Convention de Montego-Bay, droit des pollutions - Convention MARPOL, droit d'intervention, etc.) et de la notion de lieu de l'infraction (fondamentale), mais également à la lecture des Conventions sur la responsabilité civile elles-mêmes (CLC 69/92), et la nature de la "faute" invoquée dans ces textes, de même que le sort des demandes d'indemnisation relatives à un poste de préjudice qui, justement, n'est pas contraint par le champ d'application de ces mêmes conventions et qui, en conséquence, peut être apprécié (à plus forte raison quand un civilement responsable n'est pas visé par la Convention).

Ces éléments méritent d'être développés dans un souci de bonne application des dispositions juridiques pertinentes au cas d'espèce, ce qui est par ailleurs la vocation de la Juridiction Suprême, Juge du droit.

Nous remercions le journal "Libération" pour son article sur la question et la possibilité de nous y être exprimé. Voir : http://www.liberation.fr/terre/01012400848-ce-qui-est-surprenant-c-est-de-demander-une-cassation-totalehttp://www.liberation.fr/terre/01012400848-ce-qui-est-surprenant-c-est-de-demander-une-cassation-totale


Y.R.